M. Doudou Sidibé est enseignant-chercheur en sciences politiques et en sciences de gestion à ESIEE PARIS/Université Gustave. Il est aussi le Président du parti, RPD/Defko. Il a accepté de répondre à nos questions.
Monsieur Sidibé, présentez-vous à nos lecteurs.
Je suis né à Dakar en 1972. Je suis marié et père de deux magnifiques garçons. Je suis enseignant-chercheur en sciences politiques et en sciences de gestion à ESIEE PARIS/Université Gustave Eiffel. Je suis le Président du Parti RPD/Defko.
Le 16 septembre 2017, votre parti, le rassemblement populaire pour le développement/Defko a été porté sur les fonts baptismaux. 5 ans après. Quel est votre état d’esprit ?
Il y a 5 ans, nous mettions sur pied le Rassemblement Populaire pour le Développement/DEFKO avec des compatriotes pétris de valeurs et de convictions, tous prêts à servir leur pays sans condition. Cet état d’esprit ne nous a jamais quittés. Nous sommes, aujourd’hui, plus que jamais motivés à poursuivre nos ambitions pour le Sénégal.
Vous aviez participé aux élections locales dans le cadre de la coalition Gox Yu Bess. Quel bilan en tirez-vous ?
Effectivement, RPD/Defko a été membre fondateur de la coalition GOX YU BESS et a beaucoup œuvré pour sa réussite lors des élections locales de janvier 2022. Pour une coalition qui venait de naître et de participer pour la première fois à une élection, le bilan a été plus que positif. La coalition avait présenté des candidats dans 46 communes et a gagné dans 5 d’entre elles : Khombole, Touba-Toul, Tocky Gare, Kaymor et Ndondol. Dans plusieurs autres communes, la coalition est arrivée deuxième ou troisième. Au total, c’est plus de 300 conseillers obtenus et près de 50 000 voix engrangées à travers le Sénégal. Nous regrettons, par la suite, qu’une bonne partie des maires de GOX YU BESS rejoigne l’APR du Président Macky Sall à peine quelques jours après l’élection. Aujourd’hui, RPD/DEFKO a tourné la page de GOX YU BESS qui était créée uniquement pour les élections locales.
Au Sénégal le débat politique frise selon certains observateurs un niveau de médiocrité jamais égalé. Qu’en pensez-vous ?
Personnellement, j’aurais souhaité qu’il en soit autrement car un débat politique de bonne qualité est l’essence même de la démocratie. Les politiques sénégalais ont les moyens intellectuels de mener des débats de très haut niveau. Seulement, on a laissé trop de place à la recherche effrénée du buzz et on ne prend plus le temps de débattre des vrais sujets comme l’emploi, l’éducation, la cherté de la vie, la pauvreté grandissante, l’étanchéité de la justice, la réforme de nos institutions pour ne citer que ceux-là. Il faut que les acteurs politiques acceptent de « frotter et de limer leur cervelle contre celle d’autrui » comme le disait Montaigne. Cela permettra de tuer dans l’œuf cette sorte de misologie qui gagne du terrain au Sénégal.
En tant que Sénégalais de la diaspora que pensez-vous de la gestion du phénomène migratoire par nos autorités ?
Nos autorités sont dépassées par ce phénomène migratoire. Elles n’ont pas su mettre en place des politiques assez attractives pour retenir les jeunes au Sénégal. Cette jeunesse prend la mer car elle est sans espoir. La sensibilisation et la répression menées par le gouvernement sénégalais ne sont pas efficaces. Seule une politique sincère d’absorption du chômage avec des emplois décents pourrait endiguer ce phénomène. A la place, les autorités ont préféré investir dans des infrastructures dont les coûts sont largement surestimés. Dans le même sillage, je m’interroge sur la nouvelle trouvaille du Président Macky Sall qui souhaite créer des classes préparatoires pour permettre à nos élèves recalés par les Grandes écoles françaises de partir plus tard après avoir effectué deux ans de préparation au Sénégal. Cette mesure ne fait qu’aggraver le phénomène regrettable de la fuite des cerveaux. Une bonne partie de ces élèves, comme ceux qui les ont précédés, sont tentés de rester à l’étranger après que l’Etat a dépensé beaucoup d’argent pour les former. Ce projet ne pourrait être viable que quand l’Etat aura les moyens de faire revenir les meilleurs élèves qui sont partis parfaire leur formation à l’étranger. Cela passe uniquement par une politique d’insertion professionnelle attractive et de meilleures conditions de travail. C’est pour cette raison que je pense que ce projet doit être pesé au trébuchet avant d’être mis en œuvre.
Les députés de la diaspora pourront-ils être utiles à la diaspora selon vous ?
Dans le passé, ils n’ont pas tous été d’une grande utilité à la diaspora. Il y a plusieurs causes à cela. D’abord, les seuls critères de choix étaient la légitimité historique c’est à dire privilégier les militants de la première heure au détriment des militants qui avaient le profil du poste. Cependant, parmi les députés de la diaspora de cette 14ème législature, il y a des jeunes qui peuvent bénéficier de la présomption de compétence. Il y a également un ancien député qui a retrouvé son siège après plusieurs années. Je veux nommer l’Honorable député Sanou Dione qui pourrait mettre son expérience au service de la diaspora. Donc, j’ai bon espoir qu’ils feront un bon travail. Maintenant, il va se poser le problème des moyens. Le député de la diaspora ne dispose pas de moyens financiers et logistiques suffisants pour faire son travail correctement. C’est là où la réforme qui a permis de créer les députés de la diaspora a ses limites.
Votre parti est-il en train de préparer la prochaine élection présidentielle ? Comptez-vous porter candidat ?
Effectivement, nous sommes en train de préparer l’élection présidentielle de 2024 avec alacrité. Je n’en dirai pas plus mais nous comptons y jouer un rôle fondamental. Nous nous préparons depuis la création de notre parti. Donc, nous mettrons tout en œuvre pour être au rendez-vous.
Selon vous quel avantage peut avoir un candidat issu de la diaspora par rapport aux autres candidats qui vivent au pays ?
Je vis et travaille dans la diaspora plus précisément en France. C’est mon destin et je l’accepte. Mais cela ne m’empêche pas d’aimer profondément mon pays au point de vouloir le servir au plus haut niveau. Pour répondre à ta question, je dirai que le candidat de la diaspora a plus de recul sur beaucoup de choses. Il a un regard extérieur sur la marche du pays. Il a souvent acquis une solide expérience professionnelle et internationale qu’il souhaiterait partager avec ses compatriotes. Il a également accès à des réseaux bien établis dans plusieurs pays et dont certains lui seront forcément utiles quand il sera aux affaires. C’est pour cette raison que j’appelle les Sénégalais à s’intéresser davantage à leurs compatriotes de la diaspora sollicitant leurs suffrages. Ils sont souvent très patriotes et ont une grande ambition pour leur pays. La diaspora regorge de compétences et de talents qui ne demandent qu’à contribuer de façon sincère au développement du Sénégal tant attendu. Et les Sénégalais doivent donner aux Sénégalais de la diaspora leur chance si l’on sait que beaucoup d’acteurs politiques vivant au Sénégal ont déjà bénéficié de leur confiance sans jamais répondre à leurs attentes. Il est temps alors de se tourner vers les candidats issus de la diaspora.
Entretien : Malick Sakho