Pour Emmanuel Macron, « si la France n’était pas intervenue [dès 2013 au Sahel], nous ne parlerions pas aujourd’hui du Mali, du Burkina-Faso ou du Niger… Ces États n’existeraient plus aujourd’hui ». Une prise de position faite devant les ambassadeurs réunis pour la Conférence annuelle à Paris ce lundi 28 août. Candidat à la Présidentielle, Mouhamed Ben Diop n’a pas tardé à recadrer le président français. Il l’invite à « décrypter le message des nombreux coups d’État dans la zone et dans les pays à forte influence française ».
« Au Président Macron, je lui rappelle que sans l’intervention des tirailleurs sénégalais en 14-18 et en 39-45, il n’y aurait pas la France d’aujourd’hui… Si les colonies africaines n’étaient pas intervenues financièrement, l’économie française serait depuis longtemps à terre… Nous pouvons continuer sur ce registre, mais qu’il sache que l’Afrique est mature et peut gérer seule ses conflits, qui n’existeraient pas d’ailleurs s’il n’y avait pas la présence de puissances étrangères qui nous imposent une certaine forme de néocolonisation », rappelle le candidat à la Présidentielle.
Pour Mouhamed Ben Diop, « au lieu de faire un vrai bilan de la situation française en Afrique, M. Macron veut rester dans la menace et l’intimidation, alors que son pays devient de moins en moins influent dans la zone. La Françafrique est morte ! Nos ressources naturelles ne seront plus dilapidées. Nous avons autant besoin que la France de nos matières premières stratégiques (pétrole, uranium, minerais…) ainsi que de nos cultures de rente (coton, bois, cacao et plantations agricoles). L’Afrique est capable d’assurer son développement et ne doit plus produire pour les autres ».
« Nous avons tous en mémoire les révélations de l’affaire ELF, que je rappelle aussi à M. Macron ainsi que, au nom du prétexte fallacieux du maintien de la paix, le massacre d’une colonne de rebelles par 2 Mirage français à Ndiamena au Tchad en 2019. Cette Françafrique n’existe plus ! Depuis 1960 à nos jours, ça suffit ! On vous a assez « soutenus ». Oublier cette partie de l’histoire, c’est être amnésique. L’ère des chefs d’État « amis » ou complices, dois-je dire, de la France, comme en atteste votre discours en 2021 lors des funérailles du président Idriss Déby, où vous saluiez la mémoire, je vous cite : « d’un ami courageux de la France », est révolue. Un État n’a pas d’amis, mais que des intérêts, Monsieur le Président », rappelle Mouhamed Ben Diop.
Il invite ainsi le président français à revoir sa copie. Pour le leader du parti « Pass Pass », la France doit entretenir une relation d’égal à égal avec les pays africains au risque de tout perdre face à l’éveil des consciences de la nouvelle génération. C’est dans ce sens que Mouhamed Ben Diop lui adresse ses conseils : « au moment où vous vous apprêtez à convoquer une bonne partie de votre opposition présente à l’Assemblée nationale afin de discuter des problèmes de la France, avec en bonne place votre présence en Afrique, sachez décrypter le message des nombreux coups d’État dans la zone et dans les pays à forte influence française, d’autant plus que les fondements de la Françafrique ne doivent plus exister : la coopération militaire ne doit pas signifier ingérence dans nos États. Qu’on ne me parle même pas de l’aide publique au développement qui profite plus à la France qu’aux pays africains. La responsabilité de la France est engagée face à la situation actuelle de l’Afrique, avec son lot de pauvreté, de migrations, de guerres, de dictatures, de pollution… avec la complicité de certaines organisations régionales dites d’intégration ».
« Dans le grand dialogue qu’il va avoir avec son opposition, j’invite M. Macron à revoir avec lucidité sa politique en Afrique. Nous sommes ouverts à toute forme de coopération bilatérale avec les différents pays, pourvu qu’elle soutienne le développement humain. Le temps de l’Afrique est arrivé, et nous devons jouer pleinement notre rôle dans la géopolitique mondiale. Même si je condamne les coups d’État quelle qu’en soit la raison, que le jeu démocratique doit primer, il n’appartient pas à la France de décider de la légitimité d’un régime, qu’il soit ou non. Le forcing d’Abidjan en 2011 ou celui de Ndiamena en 2019 n’aura pas lieu au Niger. Je profite de cette occasion pour rappeler à la presse de mon pays de ne plus être le « larbin » de cette presse de propagande française (TV5, France 24, RFI) qui manipule l’information à sa guise, au nom de la liberté de la presse. Tant pour les peuples que pour nos États, nous avons tous besoin de nous libérer de ce dictat « communicationnel », et notre presse nationale encore plus, compte tenu de son rôle de 4e pouvoir dans la géostratégie mondiale », analyse le candidat à la Présidentielle de février 2024.