Ce mois de décembre 1954, à l’école Clemenceau ( actuelle école El Hadj Malick Sy) vers la fin de la période coloniale au Sénégal, les syndicats de toutes les catégories de l’enseignement ont décidé de s’unir dans le Syndicat Unique de l’Enseignement Laïc Sénégal/Mauritanie (SEUL) pour créer un syndicat anticolonialiste et indépendant de tout parti politique dont les militants sont libres d’adhérer à un parti politique de leur choix.
Vingt-deux années plus tard et 16 ans après l’indépendance, fut créé à l’hôtel Relais, Route de Ouakam, le 20 avril 1976, le Syndicat Unique et Démocratique du Sénégal (SUDES), héritier du SUEL, du Syndicat des Professeurs Africains au Sénégal (SPAS 2964) et du Syndicat des Enseignants du Sénégal (SES: fusion SUEL+SPAS en 1969 et dissout en 1973) reprit la même orientation d’indépendance par rapport à tout gouvernement et tout parti politique.
La quasi-totalité de la soixantaine des syndicats de l’enseignement du Sénégal créés depuis lors se réclament aujourd’hui encore de cette orientation d’indépendance et d’autonomie. Même si dans l’histoire de grèves dans l’enseignement dans notre pays, des raisons politiques peuvent être évoquées, les organisations syndicales ont toujours eu la prudence et l’intelligence d’avoir une couverture d’un préavis et d’une plate-forme s’en tenant à des revendications purement professionnelles.
C’est la première fois, ce 09 février 2024, qu’un mot d’ordre de débrayage lancé par des syndicats de l’enseignement s’est appuyé uniquement sur une plateforme purement politique et sans préavis. Cette grève aurait été mieux suivie si elle ne portait pas exclusivement sur une revendication politique, parce que certains enseignants de ces organisations syndicales sont aussi membres des partis au pouvoir mais aussi de l’opposition ayant exigé le report de l’élection présidentielle.
On est en train de retourner de fait à un syndicalisme de parti au détriment de l’unité dans la diversité politique pour éviter la division et l’affaiblissement qui s’en suivent inévitablement pour aboutir à la remise en cause de tous les acquis obtenus de haute lutte.
C’est cette option qui a inspiré les centrales syndicales les plus représentatives affiliées à la Confédération Syndicale Internationale (CSI), la CNTS de Mody Guiro, l’UNSAS de Mademba Sock, la CNTS/FC de Cheikh Diop, la CSA de Elimane Diouf et l’UDTS de Mariama Diallo qui, tout en déplorant le report de la présidentielle ont appelé à un dialogue national responsable et à des élections transparentes et inclusives.
C’est heureux que la grande majorité des syndicats de l’éducation nationale et celle écrasante des enseignants, craie en main et personnel de l’enseignement supérieur ne soient associés à cette grève illégale.
J’en appelle à la vigilance des ministres chargés de l’Education qui doivent veiller au respect strict des textes en vigueur dans l’intérêt des enfants mais aussi du droit à la liberté syndicale conformément aux conventions fondamentales de l’OIT 98 et 87 notamment, à la loi 61-33 et au code du travail
Kalidou Diallo
Historien & Ancien ministre de l’Education nationale
Dakar le 09-02-2024