Le journaliste et analyste politique Assane Samb qualifie de « salvatrices » les retrouvailles de la famille socialiste qui se profilent à l’horizon. Il évoque également les défis qui attendent le PS dans sa quête d’un nouveau souffle.
Samedi 30 décembre 2017, le Bureau politique du Parti socialiste (Ps) scellait la fin de l’aventure avec Khalifa Sall et 64 autres « dissidents » hostiles au compagnonnage avec la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby). Sept années après, beaucoup d’eaux a coulé sous les ponts. Au sortir de la présidentielle 2024, les deux parties ont multiplié les rencontres. Ce rapprochement a connu un nouveau tournant avec la volonté exprimée de Khalifa Sall et Barthelemy Dias de retourner au bercail. Une demande à laquelle le Bureau exécutif du parti a répondu favorablement. L’ancien maire de Dakar, accompagné d’une délégation, a d’ailleurs rencontré la secrétaire générale du PS, Aminata Mbengue Ndiaye, jeudi, à l’occasion de la rencontre portant sur l’évaluation de la présidentielle. « Nous avons évoqué l’évaluation de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 et sur l’audience que la SG du PS a accordée à une délégation conduite par notre ancien et futur camarade Khalifa Sall, accompagné de notre ancien et futur camarade Barthélemy Dias et notre camarade dissident Jean Baptiste Diouf qui avait tenté une courte échappée solitaire à l’occasion de la dernière présidentielle », informe le PS dans un communiqué.
Assane Samb, analyste politique : « Ces retrouvailles sont salvatrices pour le Parti Socialiste »
Pour le journaliste et analyste politique, Assane Samb, ces retrouvailles en perspectives représentent un tournant décisif dans la vie politique du PS. « Ces retrouvailles sont salvatrices pour le Parti Socialiste (Ps) d’autant plus qu’avec la pilule amère de la présidentielle, ils se sont rendus compte que séparés, ils n’ont pu rien gagner chacun de leur côté. Le parti originel était dans Benno Bokk Yaakaar et le Mouvement Taxawu également n’a pas pu s’en sortir. Donc vaut mieux se retrouver. Ce qui les avait divisés, c’était le compagnonnage avec Benno et Macky Sall, la question de la candidature du parti. Aujourd’hui, ces questions semblent être derrière eux. La page Macky Sall et Ousmane Tanor Dieng va être tournée pour s’inscrire dans une nouvelle dynamique », a-t-il analysé. Le journaliste estime que les deux camps ont pris conscience que la division ‘‘affaiblit’’ le parti. « Je pense qu’ils ont compris quelque part que la scission ne fait qu’affaiblir davantage le parti et qu’ils ont une carte à jouer pour l’avenir et que c’est dès maintenant qu’il faut jeter les jalons », soutient-il.
« Se réadapter au nouveau contexte (…) pour ne pas disparaitre »
Assane Samb est convaincu que ce rapprochement s’il se concrétise, pourrait redonner au PS un nouveau souffle. Toutefois, pour sa survie, le parti devra procéder à un ‘‘renouvellement générationnel’’ et de celui de sa ‘‘base’’ afin de s’adapter à la nouvelle donne. Mais pas que ! « Aujourd’hui, le renouvellement de la classe politique est une donne importante que toutes les formations politiques doivent intégrer avec notamment la responsabilisation des plus jeunes dans les partis. Et maintenant renouveler les bases parce qu’il ne faut pas oublier que le PS est un parti qui est très bien implanté au niveau du territoire national. Il est bien organisé, il a un siège, il a des avantages comme ça. Il lui reste simplement une forme d’alternance générationnelle hors chemin, d’asseoir un nouveau discours et de se réadapter au nouveau contexte. Pour cela, il faut tout d’abord un travail interne d’introspection. Ensuite une stratégie d’imprégnation bien élaborée sur le terrain. Ça demandera du temps, mais il faudra bien s’y mettre dès maintenant si on ne veut pas disparaître », déclare-t-il. Il souligne en ce sens que le ‘‘retour’’ de Khalifa Sall et des autres ‘‘serait salvateur’’. « Tous ces gens-là pourraient revenir, redynamiser et créer une sorte de synergie parce qu’ils ont des mairies, des responsabilités, des députés etc. », a-t-il ajouté.
Le choix de la personnalité qui présidera aux destinées du PS
L’analyste politique Assane Samb est d’avis que les retrouvailles de la famille socialiste ne résoudront pas tout de suite leurs divergences notamment sur les ambitions des uns et des autres. Le choix de la personnalité qui incarnera ce « PS new-look » cristallisera toutes les attentions. Mais pour notre interlocuteur, à force de discussions, ils arriveront, par un Congrès démocratique, à élire un responsable et à travailler en synergie autour de lui. « Il y aura des candidats. Certainement Khalifa Sall et Serigne Mbaye Thiam et pourquoi pas Aminata Mbengue Ndiaye. Mais dans tous les cas, c’est le Congrès qui va dire démocratiquement qu’elle est la personne apte à mieux diriger le parti. C’est ça l’avantage d’avoir un parti où il y a une démocratie interne. C’est le problème que l’APR (Alliance pour la république, ndlr) à part ne pouvait pas. Mais un parti comme le PS, ce n’est pas l’APR. Les différentes fédérations peuvent voter. Ça peut se faire. Certains peuvent ne pas s’inscrire dans une dynamique démocratique mais je pense que c’est la seule voie d’issue », explique M. Samb.
Quid du compagnonnage avec BBY ?
Ces retrouvailles socialistes posent ainsi le débat sur l’alliance entre Benno Bokk Yaakaar et le Parti socialiste (Ps). A ce sujet, Assane Samb dira que c’est une question que le compagnonnage laisse en suspens. Cependant, il reviendra au PS de prendre sa décision à la suite de discussions en interne. « L’alliance elle-même n’a pas réglé ces problèmes-là. Le chef (Macky Sall, ndlr) n’est pas là parce que je le comprends bien, il laisse les nouvelles autorités s’implanter. Il va revenir pour jeter les bases de l’avenir de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Ça aussi ce sera un point de discussion en interne. Khalifa Sall n’était pas contre BBY, il était contre le fait (pour le PS, ndlr) de n’avoir pas de candidat en 2019. C’était ça le point de discorde. Maintenant est-ce qu’on va continuer dans le compagnonnage au sein de Benno ou essayer de prendre leurs distances ? Il faut une réflexion interne. Ils disent qu’ils sont en train de faire l’évaluation de la participation du PS et surtout de la défaite. On verra avec cette évaluation, cette introspection, est-ce qu’ils vont quitter complètement la coalition comme le souhaitaient certains qui étaient avec Khalifa Sall ; vont-ils s’inscrire dans une nouvelle dynamique ou participer dans la coalition avec une certaine autonomie », argumente-t-il. Assane Samb poursuit que « ce serait dommage que les partis classiques du genre PS, AFP, PDS disparaissent comme du champ politique parce que simplement c’est tombé entre les mains de gens incapables de les renouveler, d’inscrire une certaine renaissance à ces partis ».
Source : Lii Quotidien