L’ex-président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, a été condamné à la perpétuité dans le cadre du procès Sankara, a annoncé mercredi le tribunal judiciaire de Ouagadougou.
Le tribunal militaire de Ouagadougou a rendu son jugement, mercredi 6 avril, dans l’affaire des assassins présumés de l’ancien président burkinabè Thomas Sankara. Quatorze accusés comparaissaient dans ce procès, notamment l’ancien chef d’État Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, son chef de la sécurité. Blaise Compaoré a été condamné à la perpétuité.
Le tribunal militaire de Ouagadougou a également condamné à la perpétuité le commandant de sa garde Hyacinthe Kafando et le général Gilbert Diendéré, un des chefs de l’armée lors du putsch de 1987. Le général Diendéré purge déjà une peine de 20 ans de prison pour sa participation à une tentative de coup d’État en 2015, un an après la chute de Blaise Compaoré suite à une insurrection populaire.
Les trois hommes sont condamnés pour « attentat à la sûreté de l’État ». Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré sont également reconnus coupables de « complicité d’assassinat » et Hyacinthe Kafando, soupçonné d’avoir mené le commando qui a tué Thomas Sankara, d' »assassinat ». Ils ont quinze jours pour faire appel de ces lourdes sentences.
Les juges sont allés au-delà des réquisitions du Parquet militaire, qui avait demandé 30 ans de prison contre Blaise Compaoré et Kafando, et 20 ans contre Gilbert Diendéré. Huit autres accusés ont été condamnés à des peines allant de trois ans à vingt ans de prison. Trois accusés, enfin, ont été acquittés. Le verdict a été accueilli par des applaudissements dans la salle du tribunal, a constaté un journaliste de l’AFP.
Six mois de procès
Ce procès historique s’était ouvert en octobre 2021, trente-quatre ans après la mort de Sankara, icône panafricaine, assassiné lors d’un coup d’État qui a porté au pouvoir Blaise Compaoré. Ce dernier, en exil à Abidjan depuis sa chute en 2014, n’a pas assisté aux audiences. Ses avocats ont dénoncé à plusieurs reprises « un procès politique » devant « une juridiction d’exception », estimant que la procédure « ne vaut rien ».
Blaise Compaoré était soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat de son ancien compagnon d’armes et ami arrivé au pouvoir par un putsch en 1983, ce qu’il a toujours nié. La plupart des douze accusés présents, dont le général Diendéré, ont plaidé non coupable et les avocats de la famille Sankara ont regretté qu’aucun n’ait avoué ou ne se soit repenti. « Personne ! Nous demandons au tribunal de rendre justice aux familles. Nous ne voulons pas une vengeance, nous demandons simplement justice », a déclaré l’un d’eux, Prosper Farama.
Le procès a été perturbé par le coup d’État du 24 janvier du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré. Il a une première fois été suspendu au lendemain du putsch, puis le 31 janvier, « jusqu’au rétablissement de la Constitution » mise en sommeil lors du coup d’État, puis rétablie par la junte au pouvoir, permettant sa reprise. Mais de nouvelles interruptions sont intervenues, dont une à la suite de la prestation de serment de Paul-Henri Sandaogo Damiba devant le Conseil constitutionnel, le 16 février.
La défense a alors introduit une requête en soulignant qu’on demandait des condamnations pour « attentat à la sûreté de l’État », alors que le putsch du lieutenant-colonel Damiba, validé par le Conseil constitutionnel, constituait en lui-même un « attentat à la sûreté de l’État ».
Cela « consacre la prise de pouvoir par la force comme un mode constitutionnel de dévolution du pouvoir », avaient soutenu les avocats de la défense. Un argument « non fondé » rejeté par le Conseil constitutionnel, permettant la reprise du procès.
Avec AFP