M. Seydina Omar Ba s’est déclaré candidat de l’Europe du Nord de l’Ouest et du Centre pour les législatives. Il a accepté de répondre à nos questions. Entretien
Bonjour Monsieur, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis originaire du village de Touba Peycouck dans la région de Thiès où j’ai suivi ma formation primaire et coranique. Mon parcours scolaire et académique au Sénégal s’est déroulé au CEM Diamaguène de Thiès, au lycée El hadji Malick Sy et à l’Université Gaston Berger. Mes études se sont ensuite poursuivies en France à l’Université Jean Monnet et à l’École des Hautes Études Internationales et Politiques de Paris où je suis titulaire d’un Master 2. Mon cursus est triple : Sociologie, Sciences de l’Éducation et Relations internationales. Je suis auteur de plusieurs ouvrages et articles. Je suis marié et père de trois enfants.
Vous avez décidé de vous présenter aux prochaines législatives, qu’est-ce qui vous a poussé à prendre une telle décision ?
C’est une décision mûrement réfléchie. Depuis de nombreuses années, je suis engagé dans mes écrits comme dans mes prises de position pour dénoncer des pratiques politiques et une gouvernance des affaires publiques préjudiciables à notre pays. Je crois avoir énormément donné dans ce cadre en sensibilisant, en impulsant des dynamiques et en portant des combats. J’ai estimé devoir donner une nouvelle impulsion à mon engagement en briguant le suffrage de mes compatriotes pour les représenter à l’Assemblée nationale. Cette institution névralgique où se vote l’arsenal légal qui encadre nos politiques publiques dont j’ai longtemps dénoncé l’inefficience. Cette décision de me présenter aux élections législatives est donc le prolongement d’un engagement au service de mes compatriotes depuis de nombreuses années.
Vous partirez aux élections sous la bannière de « Alternative 2022 » ou vous avez envisagé de faire d’autres alliances ?
Alternative 2022, dont je suis le Président, est le cadre dans lequel nous mobilisons depuis de nombreux mois des compatriotes qui partagent la même vision sur les ruptures à apporter dans la gestion des affaires publiques sénégalaises. Mais il va de soi que pour faire triompher cette vision, il faut mobiliser le plus largement possible. Ainsi, nous sommes actuellement en discussion avec des partis et coalitions existants ou en formation pour renforcer la dynamique, étant entendu que nous devons tenir compte de la spécificité des circonscriptions de la Diaspora où les forces en présence ne sont pas les mêmes qu’au Sénégal. Sachant qu’en politique, il y a les personnes qui pèsent et les personnes qui comptent, nous discutons avec tout le monde en ayant toujours le souci de nos valeurs et de nos convictions. En tout cas, nous sommes persuadés que la dynamique que vous avons impulsée sera victorieuse au soir des élections.
Pouvez-vous nous parler d’Alternative 2022 ?
Alternative 2022 est une organisation politique qui s’assume comme telle et qui regroupe des Sénégalais d’origines diverses, mais qui ont la même ambition de rompre avec la manière dont on conçoit l’action publique. Nous considérons qu’assumer des responsabilités publiques ne saurait être une occasion de jouissance et d’enrichissement personnel. C’est le sacrifice d’un homme ou d’une femme qui pense avoir les aptitudes pour servir son pays. Alternative 2022 est une impulsion partie de la diaspora, mais qui est en train de se développer un peu partout au Sénégal. Elle compte un bureau politique, des commissions opérationnelles et des représentations dans plusieurs localités.
Le mandat des députés de la diaspora tire à sa fin. Quelle appréciation faites-vous de leur prestation ?
Le bilan est facile à faire. Interrogez 10 Sénégalais basés à l’étranger, aucun ne vous donnera la liste complète des députés de la Diaspora. Pourtant, nous en avons élus 15 en 2017. Le fait que personne ne se souvienne de leurs noms, à part ceux qui ont été élus en Europe du Sud, suffit à dire leur bilan.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que les députés de la diaspora ne peuvent rien apporter aux Sénégalais de l’extérieur ?
En observant le bilan de ceux qui ont été élus, on peut effectivement penser que ces députés ne servent à rien. Pour ma part, je demeure persuadé que l’honneur d’une fonction dépend essentiellement de la personnalité de celui ou celle qui l’occupe. Malheureusement, comme nombre de leurs collègues à l’Assemblée nationale, la majorité des députés de la Diaspora ont préféré rester les petits militants d’un camp politique au lieu de s’occuper des problèmes de la diaspora, qu’ils connaissent pourtant très bien. À titre d’exemple, dans le combat mené en 2020 par le Collectif pour le Rapatriement des Sénégalais décédés du COVID dont j’étais le Coordinateur international, la plupart des députés de la Diaspora s’étaient terrés dans un silence inadmissible, livrant les Sénégalais de l’extérieur à leur sort face à l’angoisse de la crise sanitaire et à la peur d’être enterrés eux-mêmes ou d’inhumer leurs proches à l’étranger. Il nous a fallu beaucoup de personnalité, de sens patriotique et de détermination pour faire plier l’État du Sénégal. Pourtant, il s’agissait là d’un combat naturel de ceux qui ont été élus députés dans la Diaspora. Les exemples sont nombreux.
Quel commentaire faites-vous des résultats issus des élections locales ?
La tournure de ces élections démontre à quel point les Sénégalais en ont assez des schémas et calculs politiques classiques. Ils n’en peuvent plus de professionnels de la politique qui pensent qu’assurer une responsabilité publique peut tenir lieu de carrière. Il y a une soif inaltérable de changement chez le peuple sénégalais tant sur le fond que sur la forme de la gouvernance des affaires publiques. C’est la raison pour laquelle j’encourage les nouveaux élus à avoir comme unique agenda le respect de leurs promesses et la matérialisation de l’espoir qui a été porté en eux.
Que pensez-vous de la gestion des Sénégalais de l’extérieur par les différents régimes qui se sont succédés ?
J’ai toujours considéré que la prise en charge des problèmes de la Diaspora part déjà d’un mauvais diagnostic ; celui de penser qu’il s’agit d’un groupement homogène. Or, les préoccupations des Sénégalais de l’extérieur peuvent être différentes selon leur pays de résidence, même s’il existe des problèmes transversaux. Quoi qu’il en soit, la plus grave erreur des régimes successifs est d’avoir pensé qu’on peut être tranquillement installé dans un bureau à la Place de l’indépendance (Dakar) et s’occuper convenablement des Sénégalais de l’extérieur. Il faut changer radicalement de paradigme pour espérer une prise en charge efficiente des préoccupations. L’autre erreur est de s’entêter laborieusement à mettre en œuvre des politiques d’assistanat alors que la plupart d’entre nous ne demandent qu’à ce qu’on leur facilite administrativement la vie dans les pays d’accueil et dans les projets qu’ils mènent au Sénégal. Sur ce point, le bilan de l’État est particulièrement catastrophique.
Entretien : Malick Sakho