L’interview de deux jeunes sénégalais « VU CUMPRA » ainsi sont appelés les sénégalais vendeurs à la sauvette de sacs à Venise dans le livre de Marie Louise Niwemukodwa ; une syndicaliste d’origine rwandaise en Italie est assez édifiante pour comprendre comment la société sénégalaise considère l’immigré en Europe (le modou-modou).
Le premier a déclaré : » quand je regardais au Sénégal, les immigrés revenus d’Europe, je me rendais compte de leur bien-être social et des membres de leur famille » et pour le second; « quand mon cousin Babacar revenait d’Italie, il était toujours bien vêtu, avec beaucoup d’argent et toujours poursuivi par les filles du quartier. »
Le premier et le seul objectif de l’immigré est la recherche de moyens pour l’amélioration des conditions de vie de sa famille. En effet, chaque famille fait un investissement réel en vendant souvent maison, terrain, bijou, et même productions agricoles entières pour envoyer un membre de la famille en Europe.
Le départ de l’immigré se prépare souvent avec beaucoup de prières, de mystiques et même de magie noire. La famille s’engage pour la réussite, et son effort s’explique par l’espoir, un grand espoir de voir le fils ou la fille de la famille réussir le projet d’immigration et se trouver en condition d’envoyer de l’argent beaucoup d’argent.
La psychose de ne pas réussir pour envoyer de l’argent à la famille ou de retourner au pays sans argent pousse certains immigrés sénégalais à entrer dans les réseaux de la micro-criminalité et des déviances sociales ; les principes morales et religieuses du sénégalais volent en éclat, la fin justifie les moyens : l’importance est d’avoir de l’argent.
Par exemple avant de quitter leur pays de l’Afrique occidentale, certaines filles prostituées signent en présence de la famille et même d’un avocat et d’une figure religieuse un contrat de travail avec les gestionnaires du business en Europe pour une somme qui avoisine 20.000 Euro.
En dehors de l’apport en argent dans la famille, les immigrés partout au Sénégal ont toujours participé activement la construction de structures socio-sanitaires : constructions d’écoles, d’infirmeries, forages, mosquées et l’achat de matériels de fonctionnement.
La contribution financière des sénégalais était est bien évidente et se traduit par la construction de maisons modernes et l’achat de biens matériels pour les membres de sa famille : voiture, téléviseurs, téléphones, meubles modernes.
Vache à lait pour son pays et sa famille au sens sénégalais du terme, mais aussi pour le pays européen d’accueil. L’immigré est une force nécessaire « taillable et corvéable à merci » pour une Europe industrielle et ses besoins en main d’œuvre ; l’immigré est un bras, un bras bionic sous payé par rapport à son homologue européen avec une prise en charge socio-sanitaire déplorable malgré son apport économique inestimable.
Giuliano Cazzola économiste et ancien député du parti de L’honorable Berlusconi disait : « les immigrés sont chair dans notre chair, on ne peut plus se passer d’eux, ils sont en train de nous payer la retraite » et pour l’ex commissaire européen Emma Bonino : « les immigrés prennent en charge tous les travaux dans l’agriculture, les constructions et les étables que les italiens ne veulent plus faire et ils ont significativement participé à la situation financière positive des instituts de retraite et du P.I.B. »
Ils sont un réservoir de force de travail pour les travaux 3 D (dirty, dangerous, difficult) c’est à dire les travaux sales, dangereux et pesants. Cette figure sociale dominante et déterminante dans son pays d’origine et de celui d’accueil est en train de devenir un poids mort trop pesant pour les deux sociétés de départ ou d’accueil car ne participe plus à la contribution sociale à cause de la crise persistante.
Aujourd’hui cette donne de l’immigré honoré dans son pays car source d’argent et respecté en Europe car principale force de travail et de production est désormais classé dans les annales du passé. La crise économique mondiale aggravée par le Covid-19 est en train de créer un drame social dans le monde des immigrés particulièrement des sénégalais.
Ces champions du CDD (contrat à durée déterminée) car ont toujours opté une vie de fourmi (khorondom) système que les italiens appellent « mordi e fuggi », c’est à dire travailler au maximum 7 mois en Italie ou en Europe pour disposer de 5 à 6 mois de belle vie au Sénégal payant aujourd’hui le prix fort de leur inconscience sur leur projet d’immigration : « leur monde s’effondre ».
L’absence de la manne financière a entraîné la déstabilisation et la désintégration de beaucoup de familles d’immigrés faisant de nombreux divorces et des enfants sans assistance sur le chemin de la déviance sociale.
La famille de l’immigré au pays habitué à un niveau de vie acceptable et souvent supérieur à celui de la famille sénégalaise restée au pays est en train de se précipiter dans la misère. Imaginez qu’en temps normal, un immigré sénégalais de retour au pays avec ses économies de 7 mois de travail, une liquidation de fin de contrat et même des allocations de chômages était obligé d’emprunter de l’argent auprès de ses amis immigrés à cause d’un train de vie effréné et de folie ; qu’en sera-t-il pour ce même immigré resté au pays depuis 2019 sans aucune ressources financières d’autant plus qu’ils sont les champions de la polygamie ?
Au Sénégal, cet immigré placé au sommet de la hiérarchie sociale « daan dogg bumu gaccié » se retrouve brutalement au sous-sol de cette même hiérarchie entraînant toute sa famille et ridiculisé juste parce que l’immigré n’a jamais compris pourquoi il avait quitté son pays et comment s’organiser dans son projet d’immigration.
Sommes-nous en train de devenir les damnés de la terre, souvent faussement jugés par la presse de notre propre pays sans avoir la maturité d’une réponse efficace commune et la clairvoyance de nous occuper de nous-même évitant de tomber dans le piège de la division irréversible que la situation socio-politique a déjà bien placé sous les pieds de tous les immigrés sénégalais en Europe.
Magatte Simal
Cadees Italie