Monsieur Ndiaye pourquoi avez-vous décidé de déposer votre candidature aux élections municipales ? A quel moment de votre vie en avez-vous senti la nécessité ?
Merci M. Sakho ! Je saisis l’opportunité offerte à notre candidature et à ma personne pour nous adresser à l’opinion nationale et internationale des enjeux des élections municipales et départementales. Cette candidature est le fruit d’un long processus d’un intellectuel et citoyen qui a longtemps observé la scène politique sénégalaise. Elle se justifie par un manque de leadership notoire constaté au sein de la classe politique élue ou nommée par les populations ou l’État à Dahra pour prendre en compte les attentes des populations et de la ville. En effet, le passage de Macky Sall à Dahra, le 19 juin 2021 considéré comme une humiliation eu égard à la forte mobilisation et à la réception par deux ministres de la localité et trois députés de la mouvance présidentielle, a montré le manque de considération et d’information du Président à cette belle ville. Il est bien de faire quelques comparaisons entre Dahra et les villes de la région et du Sénégal en termes de croissance démographique et de dynamisme économique. La commune de Dahra sur tous plans domine sa capitale départementale, Linguère et le département de Kébémer dans la même région.
La ville de Dahra est l’une des rares villes du Sénégal qui présente les mêmes tendances d’extension démographique, spatiale et de dynamisme économique que Touba, Mbour et Thiès. Malheureusement, l’État central semble ignorer cela de même que les leaders politiques locaux. Ainsi, nous nous sommes levés pour dire stop à cette ignorance dont font montre nos représentants à tous les niveaux. Dahra mérite un accompagnement de sa population à tous les niveaux avant qu’elle ne soit incontrôlable du fait d’un laisser-aller. Par ailleurs, même si le déclic de notre candidature pour ces élections du 23 janvier 2022 est motivé par l’échec de ce passage de Macky, il n’en demeure pas moins que la tentation pour peser dans la gestion de Dahra avait commencé à la veille des élections locales de 2014. Un document cadre porté par un mouvement appelé Convergence pour le Développement de Dahra (CDD) avait été conçu pour briguer les suffrages des populations. À l’époque, les parents nous en avaient dissuadés. Aujourd’hui, nous nous réjouissons d’avoir leur onction.
Pourquoi la coalition Jammi Gox Yi et non les coalitions politiques traditionnelles ? Oui pourquoi la coalition Jammi Gox Yi ?
Parce que notre mouvement de 2014 n’était affilié à aucun parti politique traditionnel. Lorsque nous avons lancé notre volonté de briguer la municipalité, un mouvement comme le nôtre, Jammi Kaolack nous a contactés pour constituer une grande force des mouvements citoyens afin de faire prévaloir nos idées et nos visions souvent étouffées par les cadres politiques traditionnels. Les discussions ont abouti à la formation de cette coalition « Jammi Gox Yi qui regroupe de jeunes leaders d’Asc, de mouvements qui ont toujours été présents sur le terrain aux côtés des populations pour les accompagner. Nous sommes présents à Kaolack, à Louga, à Goudomp, à Sédhiou, à Thiès, à Thiamène, à Nganda, etc. Aujourd’hui Jammi Gox Yi est une réalité dans ces élections locales.
Monsieur Ndiaye beaucoup soutiennent que Dahra est une commune dont la gestion du foncier est scandaleuse qu’en dites-vous ? Et que proposez-vous pour rétablir les Dahrois dans leurs droits ?
Le foncier à Dahra est une bombe à retardement. Il est mal géré. Déjà en 2013, la problématique du foncier était au centre des préoccupations. J’avais fait une conférence sur le thème « la gestion du foncier dans les collectivités locales » pour le compte du mouvement arc-en-ciel. Aujourd’hui, le danger c’est l’épuisement du périmètre communal de Dahra qui fait que les prédateurs fonciers se tournent vers les terrains inoccupés ou non mis en valeur et affectés déjà à des ayants droits. Ils procèdent à la falsification du livre foncier en réduisant les rues, les espaces réservés et à la vente de terrains lotis et attribués à des tiers. Si nous sommes élus à la tête de la municipalité, notre premier acte après l’état des lieux institutionnels et la restructuration du personnel c’est de lancer un audit du foncier pour désamorcer les tensions. Nous sommes en train de recevoir les plaintes pour les porter devant l’Ofnac. Les membres de la société civile qui défendent les populations sont sensibilisés pour venir s’enquérir de la situation de prédation foncière qui se passe à Dahra. Chaque Dahrois comme chaque sénégalais a droit à accéder à un terrain sans contrainte, sans bourse délier. Par ailleurs, la question du foncier est rendue tendue par l’épuisement du périmètre communal. Notre équipe avec les populations vont engager la départementalisation de Dahra qui est la seule stratégie à dérouler devant l’Etat pour augmenter le périmètre communal.
En tant spécialiste que vous inspire la gestion de l’espace dans la commune ? Quel plan urbanistique comptez-vous mettre en œuvre ?
La gestion de l’espace urbain est d’abord une compétence transférée. Le maire et son équipe sont chargés de définir un plan d’urbanisme viable et attirant. Déjà, Dahra depuis 1928 dispose d’un lotissement fait par le chef de la division, section topographie de Saint-Louis sur son quartier originel, le quartier escale actuel Médina Ndiaye. À partir de ce quartier, le plan en damier établit une ville avec des rues larges de 30m à 20m. Des rues qui traversent la ville d’ouest en est, du nord au sud sans obstruction. Ce beau lotissement doit être préservé et sécurisé. Cependant, nous allons restructurer les quartiers de concert avec les populations. Dahra dispose de six quartiers officiels qui doivent être remodelé pour permettre une gestion de proximité de la part des délégués de quartier. Nous allons améliorer le cadre de vie avec la création de jardins publics un peu partout. Les populations doivent sortir des maisons et prendre du bon temps. Imaginez que dans cette ville de près de 40 000 habitants, il n’y a pas de bancs publics, d’espaces verts et de détente. En outre, la ville de Dahra doit dénommer et adresser ses rues et avenues. Il nous faut une conscience historique matérialisée par le parrainage des rues. Par ailleurs, la salubrité de la ville sera un combat pour accompagner la prise en charge des déchets ménagers et des déchets publics. Dahra est aussi une ville mal éclairée. Le déficit d’éclairage est une source d’insécurité. L’éclairage sera renforcé avec le programme éclairage solaire en partenariat avec les partenaires extérieurs et l’Aner (Agence nationale des énergies renouvelables).
L’émigration clandestine qui est en phase d’être un fléau national n’a malheureusement pas épargné Dahra. Et pourtant la commune regorge de ressources qui pouvaient donner du pain à ses fils. Qu’est-ce qui selon vous aurait dû être fait pour retenir les fils du Djolof dans leur terroir et leur donner une occupation ?
Merci M. Sakho d’avoir osé poser la problématique de l’émigration. Je pense que personne n’est plus placé que vous pour parler l’émigration. Celle-ci comme vous le savez est aussi vielle que l’humanité. Cependant, le phénomène a pris une tournure inquiétante après la période de l’exode rural. Elle affecte plus les jeunes des pays pauvres notamment africains qui cherchent l’eldorado, un mieux-être non pas en empruntant la voie normale mais clandestine. Ce qui constitue un danger eu égard aux nombreux morts enregistrés dans la mer ou dans le désert. La commune de Dahra a toutes les possibilités pour retenir ses enfants. Nous avons des exemples en en plus finir d’anciens émigrés de retour ayant investi dans des secteurs de la restauration, du commerce et du sport. Dahra est un hub d’échanges et de commerces qui offre à des populations venues de Touba, du Fouta et du Walo de réelles possibilités de réussite. Ainsi, les jeunes doivent prendre conscience de cela et se battre pour réussir ici. Notre équipe, en relation avec l’Etat, l’Union Européenne et les Ong, développera un programme d’investissements pour les jeunes. D’autant qu’avec la crise économique et sanitaire de la Covid-19, l’Europe n’est plus ce qu’elle était.
Qu’attendez-vous des Dahrois de la diaspora ? Quel message lancez-vous à l’endroit de ces fils du terroir qui sont le plus souvent les oubliés du système ?
La diaspora sera notre premier partenaire dans le cadre de la coopération internationale. Elle jouera le rôle d’intermédiation et de ciblage de partenaires extérieurs. La diaspora est pourvoyeuse de richesses. Elle participe à relever le niveau de vie des populations de Dahra. D’ailleurs, c’est le moment de féliciter l’Ong The Djoloff Humanity Foundation qui a offert une ambulance médicalisée au centre de santé Elisabeth Diouf ainsi du matériel et équipement sanitaire pour le personnel de santé. L’Ong a aussi participé à la construction de deux salles de classe au Daara Sokhna Kiné Niang situé dans le sous quartier trois wagons. Dans ce même sillage, des ong montées par des sénégalais de l’extérieur originaire de Dahra se sont signalés pour nous accompagner dans différents secteurs. Sans doute d’autres réalisations des émigrés dans la ville sont effectives sans que nous soyons informés. De tels partenariats et accompagnements sont attendus de la diaspora. Je rappelle aussi que depuis 2012, je suis le secrétaire général de Djolof-Foundation qui regroupe des Djolof-Djolof de la diaspora qui se préoccupent du devenir de leurs localités. En retour, notre équipe municipalité réservera à la diaspora, dans le cadre des lotissements à venir, des parcelles dans la commune pour faciliter leur retour. La municipalité attend d’elle des investissements structurants d’entreprises pour résorber le chômage et participer à la fixation des jeunes de la localité tentée par l’émigration. Dans notre programme, nous avons prévu l’aménagement d’une zone industrielle et entrepreneuriale dans laquelle l’investissement des émigrés sera favorisé avec toutes les facilitations ou exonérations et l’accompagnement nécessaire. Donc, les émigrés sont nos premiers partenaires pour atteindre nos objectifs de développement de la commune de Dahra.
Monsieur Ndiaye vous n’êtes pas sans savoir que la mission s’annonce difficile pour vous quand on sait vous partez en compétition contre une liste soutenue par deux ministres de la République et deux députés .comment comptez-vous vous y prendre pour déboulonner cette machine ?
Elle s’annonce difficile mais pas impossible car ces ministres et députés ont montré leurs limites en termes de collaboration et de mobilisation des énergies dans l’intérêt exclusif des populations de Dahra. Depuis 2014, ils ne sont jamais retrouvés pour discuter des problèmes de Dahra afin d’y apporter des solutions. Chacune de ces autorités qui se retrouvent dans la même liste de BBY pour les locales de janvier 2022 n’est à l’origine d’action concertée pour accompagner Dahra. L’exemple le plus patent c’est l’accueil du Président en Juin dernier qui a montré leur divergence dans l’organisation de la réception. Par conséquent, ce n’est pas à la veille du dépôt des listes qu’elles vont signer un semblant de retrouvaille pour berner la population.
Celle-ci en a assez! Elle est plus que consciente et déterminée à changer les choses. Durant 7 ans, l’équipe municipale malgré un budget de près d’un demi-milliard n’a rien réalisé à Dahra de façon significative. L’État central aussi depuis2012 n’a posé aucun jalon de développement de Dahra. Ce manque de réalisation a conduit les autorités académiques à vouloir faire vaquer les vaquer les élèves pour recevoir dans les classes d’enseignement-apprentissage les invités de la journée de l’élevage. N’eût été la dénonciation citoyenne, cette décision malencontreuse allait passer.
Une ville comme Dahra mérite tout notamment de la part d’autorités à la hauteur des enjeux. Cet échec de l’autorité municipale, des responsables politiques au niveau étatique de Dahra et de l’État constitue un baromètre qui nous amène à dire que les populations porteront leur choix sur la liste « Jammi Gox Yi », nouvelle incarnation d’un leadership dont Dahra a besoin. Nous avons le meilleur projet, la meilleure vision et la plus grande détermination pour porter Dahra au sommet.
Monsieur Abdoulaye Ndiaye quoi qu’on puisse dire les candidats en lice ont des profils très intéressants. Jamais de mémoire de Dahrois une compétition n’a été aussi riche (des jeunes cadres en compétition) votre commentaire ?
Nous nous réjouissons des profils qui se lancent à la conquête de la municipalité. Malgré nos divergences, nous nourrissons des ambitions nobles. Cependant, notre profil est le meilleur au regard de nos travaux de recherches sur Dahra et de notre passage à l’Adm (Agence de développement Municipal). En outre, la publication des listes en dit long sur l’équipe municipale des uns et des autres à constituer après les élections. Nous ne voulons pas que le syndrome des équipes précédentes continue à avoir raison sur la gestion de la municipalité. Je fais allusion à des conseillers qui n’assistent jamais aux rencontres d’orientations et de conseil municipal, d’agents municipaux qui passent tout leur temps à brader les terres et à égarer les ressources de la municipalité. Avec, le mode de scrutin des locales, les populations ont une occasion inespérée de faire le bon choix du bon profil. Le maire devrait être à côté des populations pour prendre en charge leurs préoccupations quotidiennes. Nous n’avons pas besoin de maire qui cumule des fonctions qu’il n’arrive pas à gérer. Nous nous engageons à prendre une disponibilité afin de nous concentrer à la gestion de la municipalité.
Dans tous les cas, au soir des élections l’alternance générationnelle aura été réalisée. N’est-ce pas là un motif de satisfaction ?
Une alternance générationnelle sera au rendez-vous. Cette élection est marquée partout par la présence de candidatures jeunes. Ces derniers ont longtemps laissé la place aux personnes âgées pensant que celles-ci étaient les destinataires de la chose politique. Aujourd’hui, les vieux politiciens se sentent bousculer par la jeunesse. Cependant cette dernière doitsavoir raison gardée et gérer sa carrière politique. Aucune faute ne sera tolérée. Toute erreur se payera cash. Nous avonsune carrière à préserver. Donc nous ne pouvons pas nous comporter comme nous voulons. Le terrain est glissant. Que Dieu nous préserve dans le droit chemin, celui de mettre toujours en avant les intérêts de la population. Amine.
N’est-il pas possible de mettre en synergie toutes ces compétences mettant de côté les égos et les appartenances politiques pour le bien de la localité ?
À notre niveau, c’est ce que nous souhaitons. D’ailleurs notre posture nous prédispose à nous ouvrir et à travailler main dans la main avec toute la crème de Dahra en parfaite collaboration. Je me dis souvent que ce qui nous préoccupe à savoir l’accompagnement de la population ne doit pas nous emmener à la radicalisation et à l’égoïsme. Si nous mettons Dahra au-devant de nos démarches, nous pouvons toujours nous retrouvons au tour de l’essentiel. Maintenant en politique ce ne sont pas les leaders qui s’élisent mais la population. Cette dernière reçoit les propositions des uns et des autres et choisit celui qui la dirige pendant un temps déterminé. Nous nous soumettons au suffrage des dahrois.
Entretien réalisé par Malick Sakho
L’espoir est permis avec cette nouvelle génération.